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28 novembre 2011 1 28 /11 /novembre /2011 17:46

 

Un article de Jean-Pierre Nizet pour Protest'temps "Journal ensemble" à paraître en janvier 2012

 

 

 

                                           La peur de la fin du monde

 

 

 

 

 

Peur du déclassement, peur de la précarité, peur de l’anonymat, peur du vieillissement, de la maladie…  Les peurs jettent souvent leurs racines dans les réalités douloureuses du temps présent, elles se conjuguent aussi au futur, un futur davantage porteur de menaces que de promesses.

 

Economies en récession, explosion des inégalités sociales, dégradation de la biosphère, réchauffement  climatique, surpopulation… reconnaissons que les raisons de désespérer du futur ne manquent pas.

Pour couronner en quelque sorte toutes nos angoisses, se réveille une peur très ancienne : celle de la fin du monde.

 

Un dossier remis au premier ministre par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) alerte de façon très sérieuse le gouvernement sur la résurgence du discours millénariste et sur l’activité sans précédent de sectes apocalyptiques.

 

2012 : l’année de la fin.

 

Cette excitation s’explique au regard d’une date précise qui s’approche dangereusement celle du 21 décembre 2012. Pourquoi cette date ? Parce qu’elle renvoie à la fin du système calendaire Tzolkin[1] de la civilisation Maya et à une série de phénomènes astrophysiques : alignement de notre Soleil avec le centre de la voie lactée, inversion des pôles magnétiques de la Terre, suractivité des tâches solaires…Je vous fais grâce des calculs à partir de la date elle-même : « 21 12 12 », calculs qui conduisent, bien entendu, au chiffre de la bête : le 666.

 

Tous les ingrédients sont là et cette mauvaise soupe, sans cesse remuée par le « Business de la peur », a fini par provoquer ce qu’on appelle un « buzz planétaire ». Partout dans le monde, aujourd’hui, la date du 21-12-2012 cristallise la peur de la fin du monde.

 

Or cette date serait la 183ème  fin du monde identifiée dans l’histoire de l’homme depuis la chute de l’empire romain. Autrement dit, rien de nouveau sous le soleil, comme l’écrit l’historien Luc Mary, « la fin du monde existe depuis que le monde existe »[2].

 

La fin du monde existe depuis que le monde existe, d’accord, mais reconnaissons que l’éventail des « possibles » s’est considérablement élargi depuis un siècle.

Les sciences, aujourd’hui, annoncent sans réserve « la fin du vivant ». Les armées se disent capables de destruction « massive ». En moins de trente ans, nous avons fait face à deux catastrophes nucléaires, en ce moment même, les radionucléides se propagent dans la mer du Japon.

 

Oui reconnaissons que les craintes d’une catastrophe à grande échelle provoquée par l’homme sont désormais justifiées. Ce qui d’ailleurs, ne doit pas nous empêcher de dénoncer avec force les mages, voyants, et imposteurs de tous poils qui cherchent à exploiter nos peurs.

 

C’est en tout cas ce à quoi nous engage le Christ.

 

Sous Titre : « La fin du monde c’est tout le temps ».

 

 « Prenez garde d’être égarés ! Oui, beaucoup viendront en mon nom et diront « c’est Moi ! » et  « Le moment est arrivé ! », ne les suivez pas ! » Quand vous entendrez des guerres et des soulèvements, ne soyez pas effrayés. Oui, tout ceci  arrive en premier, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. On se dressera nation contre nation et royaume contre royaume. Il y aura de grands séismes et par endroits famines, pestes, terreurs et grands signes venant du ciel. »

Luc 21, 8-11

 

Le Christ prévient qu’il y aura des gens qui feront des discours sur la fin des temps, comme lui apparemment, et qui se réclameront de ses paroles et de son nom, ce que nous voyons et entendons tous les jours.

« Ne les suivez pas » dit-il. Et aussitôt, il donne une série de signes : des guerres, des soulèvements, nations contre nations, séismes, famines, pestes, persécutions.

A propos de ces signes, nous pouvons faire deux remarques. D’abord, ils ne ferment pas les temps. Quand ils se produiront, le moment ne sera pas arrivé. Il y a encore de l’histoire au-delà d’eux.

Ensuite, il faut reconnaître que ces signes ne sont pas très précis. Il ne nous indique pas des faits immédiatement reconnaissables, il ne mentionne pas de dates ou des noms de personnes. Le Christ n’est pas Nostradamus.

Ajoutons que ces signes se produisent, depuis que le Christ a parlé, quelque part dans le monde, tous les jours, il y a des guerres, des séismes, des famines, des épidémies, des persécutions. C’est l’état ordinaire du monde. Ce n’est pas sa fin. Ou, plutôt, la fin du monde, c’est tout le temps.             

 

Certains profitent de cet effondrement constant, de cette permanence de la fin du monde pour se construire un pouvoir. Ces faux prophètes se servent des signes qui nous épouvantent et avec cette épouvante créent de l’angoisse.  « ça y est, le moment est arrivé ». Angoissez-vous mais faites nous confiance. Nous sommes, si vous souscrivez à nos discours, d’excellents agents d’assurances.

 

Le Christ, lui, n’exploite pas notre angoisse, ce « souci par avance » Luc 21,14.

Tout en refusant de nous cacher la réalité de notre monde, Il nous dit : « ne soyez pas effrayés…mais… prenez possession peu à peu de vos vies » Luc 21,19

 

Il ne s’agit pas de prendre possession de l’avenir. Il ne s’agit pas d’espérer dominer, contrôler, modeler le futur en s’en remettant à de faux prophètes. Il s’agit de prendre possession peu à peu de nos vies. Et prendre possession de nos vies, c’est d’abord vivre et habiter le présent. Dans toute son épouvante et dans toute son espérance, la vraie vie est au présent.

C’est pourquoi Martin Luther a pu écrire : « La fin du monde serait-elle pour demain, je n’en planterais pas moins un pommier aujourd’hui ».

 

Sous Titre : La persévérance, une présence au monde.

 

« Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul » Matthieu 24, 36 / Marc 13,32

Les hommes ne peuvent connaître le jour glorieux du Fils de l’Homme, le jour de son avènement. Matthieu est le seul des évangélistes à utiliser le terme παρουσια terme utilisé dans le monde gréco-romain pour signifier la venue officielle et solennelle d’un prince. Dans le premier évangile, cette mise en présence du prince se fera de façon fulgurante, « comme l’éclair qui sort des levants et brille jusqu’aux couchants » Matthieu 24,27

Si le caractère imprévisible et soudain de la venue du Fils de l’Homme suffit à rendre vaine toute tentative de fixer une date à l’échéance ultime, cet enseignement ne nous interdit pas  de penser la fin des temps et en quelques sorte de nous y préparer.

Le Christ là encore nous exhorte : « Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure » Matthieu 25,13. Veillez, tenez vous prêts, ne me trahissez pas, ne laissez pas votre amour se refroidir, persévérez.

Persévérer voilà le verbe qui revient le plus souvent dans les discours  apocalyptiques de Jésus. En grec, le mot persévérance upomonh signifie littéralement « se tenir en dessous ». Cette étymologie explique pourquoi  les grecs, comme Aristote, ont associé la persévérance au monde végétal, à la plante. Par la racine du mot nous comprenons que la persévérance est un courage humble, un travail continu et discret, à l’image de la graine sous la terre.

Dans le terreau noir du monde, nous avons, comme la graine, à nous déployer, à monter vers la lumière.

Autrement dit, nous ne sommes pas appelés à la peur mais à l’espérance.

Une espérance qui nous donne la force d’habiter ce monde dont les signes peuvent nous épouvanter. Une espérance,  offerte en Jésus Christ, qui nous conduit à penser la fin du monde  non pas en terme de destruction mais en terme de réparation.

 « Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier vivant. » Ap 1,17

Pasteur Jean-Pierre Nizet

Légende : Photo du pic du Bugarach

Une trentaine de sectes sont sous haute surveillance dont celles installées autour de la montagne du Bugarach (Aude). Certains discours apocalyptiques désignent le pic de Bugarach comme l'une des "montagnes sacrées" qui seraient épargnées par la fin du monde.

(PASCAL PAVANI / AFP)

Certaines théories désignent le pic de Bugarach (Aude) comme l'une des "montagnes sacrées" qui seraient épargnées et qui conduiraient à l'afflux des tenants de l'Apocalypse qui viendraient échapper à la fin du monde prédite fin 2012.



[1] Tzolkin : calendrier rituel et sacré de 260 jours, soit treize fois vingt jours.

[2] Luc Mary, Le mythe de la fin du Monde, de l’Antiquité à 2012. Ed. Trajectoire, 2009.

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