Sur la scène, Michel Albouy présente un tour de magie. Il fait apparaître un trou noir qui absorbe diverses étoiles. Le trou noir, c'est sa main gauche. Les étoiles, ce sont de petits foulards. A la fin, il ouvre sa main. Il n'y a rien dedans. Le trou noir a absorbé la matière.
Ce tour fait liaison avec la précédente rencontre, et il introduit à la suivante. Il y a bien secret du magicien, secret rendu excitant par les paroles et l'art théâtral. Nous ne saurons pas comment le magicien a fait, et nous désirons le savoir. Grâce à un dispositf de secret, il a suscité, un moment, plaisamment notre manque, et, en ce cas, notre réflexion sur le manque...
Patrizia Ciambelli expose le sens de ses recherches telles qu'elles apparaissent dans son livre les bijoux à secrets. Elle a mené une enquête précise sur ce que des femmes peuvent dire de leurs bijoux, de leur transmission, de leur perte, des secrets de famille qu'ils signalent et dissimulent. Elle montre que les bijoux parlent pour qui sait et désire les entendre. Elle se méfie du mot "manque" qui a un sens précis en psychanalyse, alors qu'elle ne prétend pas s'aventurer sur ce terrain. Elle se pose nettement comme ethnologue. Cependant, en s'appuyant sur de petits récits, sur des résultats d'enquête, mais aussi sur des nouvelles de Maupassant, elle montre comment les bijoux peuvent manquer, et révéler par leur manque.
Françoise Gouvsinsky, après avoir rendu hommage aux propos de Patrizia Ciambelli, se lance dans une réflexion, nourrie de mutiples anecdotes, sur le désir de secret, sur la nécessité de ce désir, et sur une critique ferme de l'idée selon laquelle il n'y aurait pas de secret sans manque. Elle soutient que le secret peut produire une excitation. Il ne crée pas le manque. Il ne le présuppose pas non plus. Elle fait apparaître la névrose de ceux qui voient dans l'excitation que produisent parfois les secrets la preuve de la réalité de leur manque.
Elle s'attarde alors sur la présence du secret dans divers aspects de l'existence humaine. Elle montre l'importance et la nécessité de secret. Elle souligne que les enfants, quand ils savent garder des secrets, par exemple à l'égard de leurs parents, font preuve d'une heureuse évolution. La capacité à construire des secrets montrerait moins un manque, que la construction positive du sujet humain. Elle développe dès lors une psychologie tonique, qui se félicite de la présence de l'ennui, du manque, autant de modalités nécessaires du désir humain.
La salle se montre intéressée par les différentes interventions. Diverses questions visent à demander à Françoise Gouvsinsky de préciser ses positions, et certains aspects de sa pratique. On demande, par exemple, si les psychologues ont des secrets. On demande aussi si une société sans secret est possible, et l'on s'inquiéte de l'influence de Facebook qui met l'intime en circulation. Françoise Gouvsinsky se montre résolument positive. Elle croit que d'autres modalités du secret s'inventent sans cesse. Elle ne paraît pas certaine de l'apparition d'une tyrannie de la transparence. Patricia Ciambelli commente diverses anecdotes relatives aux bijoux à secrets qui lui sont rapportés. Une intervenante souligne le caractère heureusement précieux de tout ce qui se dit là. Le magicien Michel Albouy développe quelques remarques sur la pratique du secret en magie. Yves Le Pestipon rapporte une fable de La Fontaine - Les Femmes et le Secret - qui lui paraît rassembler l'essentiel, quant au secret, à son enfouissement, à son rayonnement, et aux manques auxquels il se trouve, selon lui, lié. La soirée finit par d'abondantes crêpes, et des discussions nocturnes dont il ne faut pas manquer de garder le secret.
