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6 janvier 2011 4 06 /01 /janvier /2011 19:08

003.JPGRENCONTRE DU 5 JANVIER 2011

 

 

Jean-Paul Malrieu se présente comme un physicien quanticien qui cherche à penser le monde humain où il vit, et qu'il désire transformer. 

Il veut poser la question du comprendre. Il montre comment, quand il s'agit des objets quantiques, nos convictions ordinaires sont contredites. Ces objets sont à un endroit, et ils sont ailleurs.... Ils sont ondes et ils sont particules... Notre expérience ordinaire du monde et les enseignements de la science la plus classique ne nous permettent pas de nous les représenter. Lui-même, pourtant, quand il travaille, il se donne des représentations, qu'il sait fausses, mais qui l'aident à comprendre. Par exemple, il voit ces objets comme des groupes de danseurs qui se déplacent.  Certes, il ne les comprend pas, si l'on veut dire par là qu'il pourrait en rendre totalement raison, mais il éprouve souvent la joie - intense - de progresser dans la compréhension, même si, cette joie est suivie de désillusions. Il y a toujours du manque à la compréhension, un manque excite le désir, et permet d'avancer dans la compréhension de ce qu'est la compréhension. Ainsi Jean-Paul Malrieu n'abandonne jamais la question du "comprendre". La volonté de comprendre, et la difficulté la relancent. 

Cette difficulté ne concerne pas seulement les objets quantiques. Qu'est-ce en effet que comprendre l'autre sexe ? Qu'est-ce que comprendre une civilisation étrangère ? Que comprend-t-on par les mots, qui semblent incertains, changeants, comme des danseurs autour du réel, et qui ne sont pas les mêmes sur toute la Terre ? 

Le verbe "comprendre" lui-même, qui signifie "prendre ensemble" en français, ne porte pas la même image que le verbe espagnol qui signifie "entendre", ou que le verbe anglais qui signifie "tenir en dessous". Ce n'est pas non plus ce que donne à sentir le verbe "concevoir". On dirait que chacune des langues actualise un aspect du phénomène de la compréhension, qui manque aux autres.

Faut-il en conclure que nous devrions renoncer à vouloir comprendre ? On pourait baisser les bras devant trop de complexités. L'aventure scientifique pourrait être abandonnée. Il est particulièrement tenant de renoncer à comprendre le champ économico-politique. Ne vaut-il pas mieux plaisanter, jouir, ou recourir à des paroles prophétiques ?  Ce serait  un renoncement dangereux et facile. Jean-Paul Malrieu affirme qu'il est possible d'atteindre à un "comprendre" au moins local, et qu'il n''est pas acceptable de renoncer à comprendre les grandes lignes des phénomènes politiques et sociaux dans lesquels nous sommes pris. Cela demande un effort d'analyse, mais aussi la volonté de poser des choix. Il lance alors un appel énergique à l'effort pour comprendre, sans vouloir croire que l'on peut tout comprendre, mais avec la conviction que cet effort pour vaut la peine qu'il exige, et qu'il est la condition nécessaire pour changer un certain nombre de choses.   

 

Didier Barret est un astrophysien. Il travaille sur les trous noirs, et il cherche, avec une association, à diffuser la connaissance en directions de publics divers.

Didier Barret précise tout de suite qu'il ne va pas faire de l'épistémologie, ou de la politique, mais qu'il va tenter de faire comprendre ce que sont les trous noirs.

Il les définit d'abord comme des corps suffisamment importants et denses pour empêcher tout rayonnement de s'en arracher. Il rappelle que l'existence de tels corps a été imaginée dès Laplace, à la fin du XVIIIème siècle, et que l'on a pu commencer à se le représenter et à calculer avec l'apparition de la théorie de la relativité générale au XXème siècle. Il explique comment on a pu arriver à démontrer l'existence d'innombrables trous noirs qui se répartissent en trois catégories. Il décrit chacune  de ces catégories et montre comment, dans notre galaxie, des milliers de trous noirs ont pu être localisés.

Il souligne que nous ne sommes pas à brève échéance ( plusieurs milliards d'années)  menacés par un trou noir. Nous finirons grillés dans les phases finales de l'activité de notre étoile - le soleil - qui ne finira pas dans un trou noir.

Ces objets ne manquent pas. Ils ne sont pas totalement incompréhensibles. On peut assez largement les décrire, et faire des calculs à leur propos. Ils sont une part importante de la représentation que nous devons avoir de l'Univers, dont nous pouvons avoir une compréhension, même s'il nous manque d'en connaître une très considérable partie.

 

Le public a d'abord très envie de poser des questions fondamentales d'astrophysique. Toute une série de questions visent à entendre le point de vue de l'Astrophysicien sur les limites de l'Univers, dans le temps comme dans l'espace, sur le Big Bang, sur l'origine du monde.. Le public montre qu'il a très envie de comprendre.

Didier Barret fournit des explications sur quelques points, mais montre qu'on ne peut pas encore tout comprendre. Il fait preuve d'un optimisme modéré, mais résolu, quant aux progrès de la compréhrension.

D'autres questions abordent alors la question même du comprendre. Un mathématicien de la salle en vient à formuler que l'on ne comprend rien, ce qui amène Jean-Paul Malrieu à réagir et à donner des formulations claires quant à ce que sont les possibilités et les limites du "comprendre". Une voix se lève pour prétendre que la physique quantique a mis un terme au positivisme, et qu'il n''est plus possible de dire que l'on comprend, et qu'il existe de la nécessité. Jean Paul Malrieu réagit longuement en précisant comment la physique quantique n'est pas une pensée de l'incertitude généralisée. Les particules sont enfermées dans de la nécessité; Des bornes sont posées. Tout n''est pas possible. La physique quantique, de ce point de vue, n'autorise pas à une philosophie de l'incertitude généralisée. Une fracture se dessine entre ceux qui croient, comme lui, à la possibilité et à l'intérêt d'un comprendre, et ceux qui s'en défient. Les échanges atteignent une certaine vivacité.

La proposition est faite que, dans l'incompréhension générale, on peut néammoins sentir, vivre, témoigner, partager. Jean-Paul Malrieu ne s'en satisfait pas.   

D'autres questions sont posées concernant, par exemple, l'origine de la vocation scientifique des deux intervenants. Comment leur est venu le désir de comprendre ce qu'ils tentent de comprendre ? Didier Barret évoque le spectacle des étoiles, quand il était enfant. Jean-Paul Malrieu évoque  la nécessité d'ajouter à la compréhension du monde que lui proposait sa famille formée par le marxisme, une compréhension non historique des phénomènes de la nature, et une une formalisation. L'un et l'autre insistent sur la séduction esthétique à l'oeuvre dans leur travail.

Plusieurs questions concernent les modalités, et la nécessité de la vulgarisation scientifique. Peut-on laisser au manque de comprendre l'essentiel des citoyens dans des socéités démocratiques. Comment la science peut-elle à la fois progresser dans ses recherches, et tenter de se diffuser ? Les deux intervenants soulignent la difficulté de cette double exigence. Ils n'hésitent pas aussi à dénoncer la condition qui est faite aux chercheurs actuels par le marché, la pression de la concurence, l'évaluation, voire Nicolas Sarkozy....

Plusieurs questions tournent autour de la difficulté de comprendre le monde contemporain, et sur les moyens mis en oeuvre - par exemple la diffusion d'informations en "temps réel" - pour rendre cette compréhension difficile.

Une question posée avec insistance questionne la différence entre le "comprendre" et le "concevoir", concevoir laissant entendre la possibilté d'une conception, telle celle de l'enfant.

Des citations sont lues, comme à la fin de chaque séance, par Béatrice Tor, qui fait entendre les voix des grands écrivains et penseurs.

Des bouteilles de cidre sont bues et des gâteaux sont partagés , tandis que les bouches poursuivent les débats, et qu'on s'interroge, par exemple, sur le verbe "comprendre" en allemand, ou sur ce qui vient de se passer.

 

Une fois de plus, au Vieux Temple, cette soirée fut ce que le poète Serge Pey appelle, un "repas de l'infini".

 

 

 

                                                                                                                   Yves Le Pestipon

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