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8 octobre 2011 6 08 /10 /octobre /2011 21:51

Une soixantaine de personnes étaient rassemblées mercredi 5 octobre au Vieux Temple de Toulouse pour débattre des "architectures de la peur".

Yves Le Pestipon a introduit la séance en expliquant comment  il a vu surgir la demande de grilles destinées à protéger sa copropriété. Président du conseil syndical, il a tenté de maintenir les passages ouverts, mais en vain. La peur des voleurs, des pédophiles, ou des SDF était trop forte. Les grilles ont été érigées, comme il s'en érige partout à Toulouse et en France. Il en a tiré un texte - "le Temps des grilles "- publié en divers lieux, et qu'il lit. C'est un constat et une protestation.

 

Gillles Hermman, aménageur architecte de l'OPPIDEA, dit son accord sur l'existence du phénomène "grilles",  et son inquiétude devant les malheurs sociaux qu'elles rendent manifestes. Il analyse la multiplication des résidences sécurisées. Il montre comment elles répondent à une demande, et comment - le plus souvent - on bâtit pour répondre sans réflexion d'ensemble à une demande. Il souligne que quatre vingt pour cent des appartements que l'on construit à Toulouse sont financés par des politiques de défiscalisation. Ils ne sont pas payés, ni achetés par leurs habitants, mais par des investisseurs, qui ne les connaissent pas, ou à peine, qui passent par des agences, qui ne rencontrent pas leurs locataires, qui sont quant à eux contraints d'habiter dans des appartements conçus pour satisfaire une demande de défiscalisation. Aussi l'espace urbain  devient-il peu vivable, engendrant des malaises qui amplifient les effets des inégaliltés sociales. Se créent ainsi des quartiers plus ou moins ghettoïsés, comme le Mirail à Toulouse, qui, à leur tour, alimentent les peurs, et font apparaître des grilles.

 

Stéphane Gruet, philosophe et architecte, reprend et confirme ces analyses. Il insiste néammoins sur l'utilité de placer des limites, des seuils, comme il en existe dans les cellules vivantes. Il met fortement l'accent sur la nécessité de créer ou de recréer des communautés intermédiaires entre la famille et l'Etat, qui seraient des communautés locales, telles que leurs membres partageraient des activités, des modes de vie, des espaces... Il fait aussi une analyse sévère des effets du marché qui aboutissent à des catastrophes urbaines générant la peur, et il souligne qu'il y  a - du moins en France - une forte inculture architecturale, qui empêche parfois des choix  judicieux.   

 

La salle manifeste un vif désir d'intervenir. D'abord pour confirmer par des exemples la réalité de ce "temps des grilles", et l'existence des raisons qui les font ériger. Plusieurs témoignages soulignent ensuite que l'on n'est pas nécessairement mal dans les grandes"barres" , et qu'un effort de connaissance d'autrui permettrait le plus souvent de réduire les peurs, dont la passion pour le grilles. Un intervenant indique que le titre de la soirée - les architectures de la peur - pourrait conduire à parler des architectures qui font peur, et il fait observer que dans certaines villes du monde les architectures lui font peur tandis que dans d'autres elles lui font du bien. Un intervenante précise que les architectures de la peur sont souvent celles du pouvoir qui vise à faire peur. Stéphane Gruet souligne qu'il y a parfois une peur de l'architecture. Plusieurs personnes demandent ce que pourraient faire l'architecture et les architectes. Une intervenante signale que souvent dans certains bâtiments récents elle est prise de panique devant l'impossibilité d'ouvrir les fenêtres, ou plus généralement, d'intervenir sur le milieu environnant.... Le débat prend des directions diverses, interrogeant largement la question des grands ensembles, et oubliant quelque peu la problématique des grilles, ou plutôt, la corrigeant en une acceptation méditée des limites, des protections. Gilles Hermman souligne qu'un des problème du Mirail, c'est l'absence de parcellaire. Béatrice Tor fait remarquer qu'elle trouve de la beauté aux grilles. Artiste, elle s'est consacrée un moment à les photographier, à les dessiner. Elle a été frappée par leur étonnante diversité. Elle conclut ensuite la soirée ne faisant lecture de citations, qui amusent et font méditer.

 

Après ce "chantier de paroles", vers dix heures quinze, l'assemblée se dirige vers des gâteaux et des boissons. Les conversations sont sans frontières.

 

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